Le café, cette précieuse denrée rapportée du Yémen, a rapidement tissé sa toile sur l’île Bourbon dès 1720. Bien plus qu’une simple culture, il est devenu le pilier économique de cette île insulaire. Sous le règne de Louis XV, l’impulsion royale était palpable : les colons ont été sommés de planter 200 pieds de café par « tête de noir » sur leur domaine. Ainsi, le café Bourbon est devenu le moteur d’une économie en plein essor.
Pourtant, cette splendeur était assombrie par une réalité sombre et sinistre. Derrière les rangées de caféiers se cachait le visage monstrueux de l’esclavage, régulé par les lettres patentes de décembre 1723, instaurant le 2ème code esclavagiste français. C’était un système où les vies étaient considérées comme des meubles , où la liberté était un rêve lointain pour ceux enchaînés à la terre.
La période fut marquée par une croissance explosive de la production de café, alimentée par une traite intensive. Des milliers d’esclaves, arrachés à leur terre natale, furent contraints de labourer les champs, tandis que le café Bourbon connaissait une renommée mondiale. En 1723, on compte environ 600 esclaves, soit la moitié des habitants. En 1730, ils représentaient plus de 80 % de la population, soit 4000 personnes.
Mais derrière chaque sac de café exporté, se trouvaient des histoires de souffrance et de résistance. Parmi elles, celle d’Heva, emportée de force de Madagascar pour être enchaînée à la terre, illustre la lutte incessante pour la liberté et la dignité humaine. Elle s’échappa avec son mari Anchaing, reconnu ensuite comme le premier grand chef marron de Bourbon.
Vers la fin du XVIIIe siècle, l’éclat du café Bourbon commença à pâlir. Malgré les défis, la culture du café Bourbon persista, mais elle perdit peu à peu sa prédominance économique, cédant la place à la canne à sucre.
Pourtant, dans cette transition, émergea une nouvelle légende : le café Bourbon Pointu, en 1771. Il découle d’une mutation récessive de la variété Bourbon. Classé café Grand Cru par le Roi Louis XV, grand amateur, il incarne désormais l’excellence du café, séduisant les palais les plus exigeants à travers le monde.
Ainsi, l’histoire du café Bourbon est à l’image de l’île et de ses cirques, une véritable montagne russe émotionnelle, oscillant entre gloire et douleur, prospérité et lutte. Elle nous rappelle que derrière chaque tasse de café se cache un récit complexe, un héritage riche de leçons et de défis surmontés. L’île Bourbon a vu naître un trésor mondial, un symbole de résilience et d’excellence – le café Bourbon, dans toutes ses nuances, continue de captiver et d’inspirer.
Le Café des Marrons souhaite rendre hommage à ce passé en proposant un café chargé d’histoire…